Toulouse-Lautrec, l'exposition résolument moderne du Grand Palais

Grand Palais
Du 9 octobre 2019 au 27 janvier 2020





Cela faisait près de 30 ans qu’aucune rétrospective n’avait été consacrée en France à Toulouse-Lautrec, souvent par ailleurs réduit à ses attaches avec la « culture de Montmartre ». Ici le Grand Palais réunit environ 200 œuvres venues du monde entier, exposées sur 2 étages, avec la très belle ambition de réhabiliter cet artiste finalement bien méconnu et de le réancrer dans la modernité. Et effectivement, face à tant de chefs-d’œuvre, on ne peut que reconnaître sa claire appartenance au XXe siècle, celui des fauves ou des futuristes, davantage qu’au XIXe siècle impressionniste. Un artiste qui – faut-il le rappeler ? – n’enjolive rien. Il dépeint la société de son temps, la vraie, les lumières nocturnes de Paris mais aussi ses faces plus sombres, ses splendeurs et ses misères… beaucoup moins « convenables », lui qui pourtant était issu d’un milieu aisé, aristocrate du Languedoc, Henri DE Toulouse-Lautrec, issu d’une lignée qui remonte aux Carolingiens. Notre artiste est un peintre virtuose, un affichiste génial qui croquait son temps, autant que sa vie, un très bon vivant, que rien n’arrête, pas même la maladie, lui qui décèdera précocement d’une syphilis non soignée. Il est surtout aussi un artiste qui se moque bien des conventions, du bien-paraître. Et il aura d’ailleurs bien vécu, enchaînant les excès, mordant la vie à pleine dents, la vie à toute vitesse, frénétiquement. Alors oui, rassurez-vous, vous admirerez dans cette très belle exposition ses toiles iconiques, celles de la petite butte de Montmartre, son folklore, ses cancans et ses bordels. Des scènes de fêtes, de débauche, plus ou moins convenables, toujours superbes. Ses visages verdâtres, ses chevelures d’une rousseur incendiaire – comme celle de son éternel modèle, Carmen Gaudin, cette femme à « la tête en or » dont il nous livre des portraits incandescents –, ses draps troubles, ses verres bien vides… Paris la belle. On découvrira évidemment un affichiste génial que s’arrache le tout-Paris. Un trait de crayon à peine esquissé et le tour est joué, l’esprit gouailleur de la capitale est capturé. Un sentiment d’inachevé, ce non-finito, qui loin d’être un brouillon expéditif est en réalité un zoom sur l’essentiel. Des couleurs et du vide, celui du néant de sa vie, qu’il comble comme il peut par les plaisirs plus ou moins interdits d’une capitale version pile. Mais Lautrec c’est aussi un regard lucide et grave sur les déboires de son temps, lui qui affectionnait particulièrement les maisons closes à titre personnel et s’en faisait tout autant le complice que le juge, dans tous les cas, un témoin percutant nous livrant une autre vérité, vue de l’intérieur. Loin de la caricature, l’artiste analyse la société dans laquelle il vit prenant ses pinceaux pour plume. Lautrec c’est aussi de l’humour sur ce Paris des années 1890, eh oui comme dans ce face à face entre le tableau Le Bois sacré de Puvis de Chavannes et la parodie qu’il en fera la même année, y ajoutant quelques personnages caricaturaux dont sa propre personne, de dos. Un style si singulier, incisif et caustique. Une peinture en instantané, photographique. Un regard éminemment humain, accablant sans jamais accuser. Il est le seul de son temps à peindre la féminité du sexe tarifé sans une once de misogynie. Sa peinture est profondément impolie, éminemment humaine.

RÉSOLUMENT MODERNE

Mais qui êtes-vous Henri de Toulouse-Lautrec ? Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa pour vous servir. Peintre de Montmartre, de l’ivresse et de la décadence, ses tableaux allient réalisme brut et truculence. Une euphorie qui pourrait bien déteindre sur vous au Grand Palais dans une exposition forte de 200 œuvres.  Attention toutefois à ne pas réduire cet avant-gardiste à la débauche, comme c’eût été le cas pour Baudelaire et sa poésie.

 

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Toulouse-Lautrec est l’artiste qui a su capter son temps et le rendre plus vrai que nature dans ses œuvres, qu’il soit joyeux ou rude. On pense forcément au tableau La Clownesse Cha-U-Kao dont la gaieté contraste cruellement avec celui de Carmen Gaudin, ouvrière de Montmartre et muse de Lautrec. Son penchant pour la photographie y était forcément pour quelque chose puisqu’à l’instar d’Ingres, Manet ou encore Degas, il en fait son alliée. Là réside tout l’art de ce prodige du pinceau, son désir de représenter toutes les classes et les ambiances des années 1890 : du cancan aristocratique au bordel parisien. Raison pour laquelle on est comme happé par l’éclat dur des éclairages et des reflets que le peintre maniait à la perfection.

 

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Le saviez-vous ? Ce pionnier de la « culture de Montmartre », en raison du mariage consanguin de ses parents, mesurait 1m52. Victime d’une maladie osseuse et contraint à l’immobilité pendant de longs mois, il utilise ce temps pour dessiner et peindre. Il mourra prématurément à 37 ans, des suites de son alcoolisme et de la syphilis. Une vie courte certes, mais riche d’une œuvre immense estimée à 737 peintures, 275 aquarelles, 369 lithographies, plus de 5000 dessins. Pour en avoir un avant-goût, c’est au Grand Palais que ça se passe !

 

Passion Toulouse-Lautrec

Plus qu’un peintre, Toulouse-Lautrec aurait pu se vanter d’être une œuvre d’art à lui tout seul tant sa vie fut loufoque et semée d’épisodes tous aussi tragiques que cocasses. La preuve en six anecdotes.

 

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1 ) Noble avant d’être peintre





Henri Marie Raymond de Toulouse-Lautrec-Monfa. Avec un nom comme celui-ci, on voit déjà se dessiner la haute-société. Rien de bien étonnant puisque le peintre était  issu de l'une des plus grandes familles aristocrates de France, descendant directement des comtes de Toulouse.

2) Farceur même à sa mort

Alors que le peintre s’apprêtait à passer l’arme à gauche, Toulouse-Lautrec aurait dit à son père présent: "Je savais que vous ne manqueriez pas l'hallali". L’hallali désigne la sonnerie émise par le cor de chasse pour annoncer la mise à mort de la bête pourchassée. Une pique d’autant plus acerbe quand on sait que son paternel était lui-même un passionné de chasse.

3) Une vie d’excès

“Je boirai du lait quand les vaches brouteront du raisin.” Non, vous ne rêvez pas, le peintre avait de grandes dispositions pour l’humour mais aussi pour l’alcool. En effet, il fut connu du grand monde pour ses déboires et sa vie festive. Toulouse-Lautrec sombra dans un alcoolisme quasi-pathologique allant jusqu’à mélanger absinthe et cognac dans ses doses de boissons quotidiennes. La légende raconte même qu’il utilisait une canne creuse pour y dissimuler de l’alcool. Sa  famille décide de le faire interner à Neuilly en 1899, mais il est trop tard pour la réputation du peintre. À Paris les langues se délient, il est qualifié d’alcoolique et de déséquilibré.

4) Une jolie cote !

En 2009, son tableau intitulé “L’Abandon” fut estimé à 6,2 millions de livres sterling à Londres chez Sotheby’s. Sans rancune Monsieur Toulouse-Lautrec !

5) Un personnage de BD





Avec une personnalité et une œuvre aussi démesurée, Henri de Toulouse-Lautrec a largement inspiré d’autres artistes. Le peintre est le héros d'une série de 5 albums de la BD "Le Cabaret des muses" de Gradimir Smudja.

6) Un artiste reconnu dans la culture populaire

Toulouse-Lautrec n’a pas seulement inspiré les auteurs de bande-dessinée. Différentes réalisations populaires ont tenu à faire un clin d’œil au peintre – et l’on comprend mieux pourquoi à la lumière de toutes ces anecdotes. Les plus célèbres se retrouvent dans le 7e art, notamment dans le dessin-animé Les Aristochats. Souvenez-vous du chaton peintre et rebelle « Toulouse », c’était lui ! Dans un autre registre, l’acteur John Leguizamo joue le rôle d’un Toulouse-Lautrec fantasque et attachant dans le film iconique Moulin Rouge !


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