Peut-on faire corps avec la mémoire ? Jeannette Ehlers investit l’espace du Bicolore, ici à la Maison du Danemark sur les Champs-Elysées, autour d’une exposition bouleversante. À la croisée de ses racines trinidadiennes et danoises, l’artiste nous invite à un périple introspectif et métissé, explorant l’histoire coloniale des Caraïbes dans un hommage vibrant aux héritages de la diaspora africaine. Ici nous pénétrons dans un écrin tapissé d’or, envoûtant. L’Or, ce métal inaltérable, sans doute le plus précieux, ici celui des couvertures de survie. Dans ses œuvres, Ehlers se met en scène, incarnant physiquement cette souffrance coloniale, exécutant ici une chorégraphie d’une grâce infinie, libre et affranchie, pourtant enchaînée par les tresses de ses cheveux aux structures écrasantes d’une grange. Un hommage magistral à Pearl Primus, dans lequel les « cheveux » de l’histoire se mêlent aux attaches aliénantes du colonialisme. De la révolte à l’intime, Ehlers renverse les rôles avec cette installation troublante, plaçant des scènes d’insurrection du monde entier, diffusées en boucle sur des smartphones, au cœur d’un autel sacré célébrant le temps, celui de la transmission, de la féminité, de la résistance. Baissons les yeux, au sol se dessinent les contours d’un visage familier, celui de l’icône brésilienne Escrava Anastacia, esclave affranchie punie d’un masque de fer. Ici devenu charbon sous le geste de l’artiste, combustible et volatile, prenant ainsi la mémoire à contrepied. Jeannette Ehlers imbrique ses œuvres comme les pièces d’un puzzle de l’identité et de la résilience, nous menant jusqu’à cette vidéo saisissante, reprenant les codes artistiques de l’action painting… mais à grands coups de fouet… Une œuvre puissante et silencieuse qui nous rappelle que l’histoire n’est pas passée, nous invitant à écouter les échos de demain qui résonnent déjà en nous.

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